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LE POULPE : La mairie de Notre-Dame-de-Bondeville perquisitionnée dans une affaire d’« atteintes à la probité »

Par Margaux Delanys - le 05/06/2025 à 16h25


Une quinzaine d’agents de police ont investi les locaux de la mairie de Notre-Dame-de-Bondeville, près de Rouen, ce jeudi 5 juin. La perquisition fait suite à plusieurs enquêtes judiciaires, pénales et administratives visant Myriam Mulot, la maire de la commune, comme l'avait révélé Le Poulpe il y a quelques semaines.

Ce jeudi 5 juin, la mairie de Notre-Dame-de-Bondeville connaît une agitation inhabituelle. En début de matinée, les locaux municipaux ont fait l’objet d’une perquisition par une quinzaine d’officiers de police judiciaire, effectuée selon le parquet de Rouen « dans le cadre d’une enquête ouverte pour diverses atteintes à la probité ».

« Tout le monde courait, c’était une vraie fourmilière », témoigne une personne présente en mairie, sous couvert d’anonymat. Ils ont demandé des documents datant de 2020 (…) au moment de l’élection de Madame le maire. » 

Des éléments confirmés par une seconde personne présente en mairie. « Tout l’étage a été [investigué] : là où il y a les ressources humaines, la comptabilité, la gestion des bulletins de salaire et le centre communal d'action sociale », poursuit-elle.

Comme l’avait révélé Le Poulpe, Myriam Mulot, la maire de Notre-Dame-de-Bondeville et quatorzième vice-présidente de la métropole de Rouen, est en effet visée par une enquête judiciaire ouverte pour « prise illégale d’intérêts » et « détournement de fonds publics ». 

L’alerte avait été donnée par un ancien membre de l’équipe municipale, qui avait émis un signalement au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale il y a près d’un an. Accusée par la suite de harcèlement par plusieurs membres de la municipalité ayant porté plainte, Myriam Mulot reste présumée innocente. 

Si les rumeurs se propagent déjà au sein des services municipaux, le parquet assure qu'il n'y a pas de garde à vue.

Retrouvez ici notre dernière enquête consacrée au sujet, publiée il y a quelques semaines le 30 avril : 

À Notre-Dame-de-Bondeville, le mandat de la maire Myriam Mulot entaché par les affaires

Le mandat de Myriam Mulot, maire de la petite commune de Notre-Dame-de-Bondeville en périphérie de Rouen, vire au fiasco. Accusée de harcèlement par plusieurs membres de la municipalité ayant porté plainte, l’élue est également visée par deux enquêtes, judiciaire et administrative.

" N'oublie pas que tu as une astreinte payée que je [dois] justifier aussi auprès de la DGFIP. Ils fouinent ». L’expéditeur de cet intrigant message n’est autre que Myriam Mulot, maire de Notre-Dame-de-Bondeville et vice-présidente de la métropole de Rouen.

Finalement, ce ne seront pas les services fiscaux de la direction générale des finances publiques (DGFIP) qui scruteront les affaires de l’élue normande, mais ceux de la police judiciaire dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte depuis plusieurs mois par le parquet de Rouen pour « prise illégale d’intérêts » et « détournement de fonds publics ».

Un mois plus tôt, un signalement de l’association de lutte contre la corruption Anticor, que Le Poulpe a pu consulter, a été adressé au procureur de la République de Rouen sur une « éventuelle utilisation irrégulière des fonds publics et du personnel communal par la maire de Notre-Dame-de-Bondeville ».

L’alerte fait suite à celle d’un ancien membre de l’équipe municipale, qui avait émis un signalement au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale.

Comme l’avait révélé Le Poulpe, l’édile normande avait, à plusieurs reprises, pioché dans le budget de sa commune pour la préparation de buffets servis lors d’événements privés. Un travers dont le « préjudice estimé peut s’élever à plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d’euros, sur plusieurs années au détriment de la commune », chiffre le signalement d’Anticor.

Contactée, Myriam Mulot n’a pas répondu à nos sollicitations. Le parquet de Rouen fait savoir de son côté que « l'enquête est en cours ».

Outre ses mandats de maire de Notre-Dame-de-Bondeville et de 14e vice-présidente de la métropole de Rouen, Myriam Mulot occupait, il y a peu, un poste d’adjointe gestionnaire au sein du collège Alain de Maromme. Selon plusieurs témoignages, elle aurait depuis quitté ses fonctions à la suite d’une enquête administrative ouverte à son endroit par l’académie de Normandie.

Des irrégularités de campagnes aux malversations d’élue

Son mandat avait déjà débuté sous de mauvais auspices. Le tribunal administratif de Rouen avait en effet annulé l’élection municipale de 2020 qui lui assurait la victoire en raison d’irrégularités lors de sa campagne.

La « manœuvre » ciblée à l’époque par le Conseil d’État, qui avait confirmé la décision du tribunal, est pourtant loin de constituer la seule entorse à la sincérité du scrutin. Selon les informations obtenues par Le Poulpe, Myriam Mulot aurait demandé à plusieurs de ses proches, pour certains devenus agents ou élus municipaux, de s’inscrire sur les listes de la commune qu’elle convoitait pour s’assurer de voix supplémentaires, lors des élections de 2020 et 2021.

L’un d’eux, sous couvert d’anonymat, assure que « pour voter pour elle, elle m’a demandé de mettre ma carte d’électeur à [l’adresse] d’un adjoint ». Une combine à laquelle plusieurs familles auraient participé, dénonce-t-il aujourd’hui.

Une erreur d’appréciation pour cette novice en politique d’alors ? Pas si sûr. Début juillet 2021, quelques semaines après le nouveau scrutin, Myriam Mulot commande à la cuisine de sa collectivité la confection de plateaux-repas destinés au personnel du collège de Maromme, son second employeur. La facture, elle, est adressée à la mairie.

Plusieurs messages et factures consultés par Le Poulpe révèlent une douzaine de commandes passées par l’édile, allant de la préparation de petits-déjeuners à la confection de copieux buffets de 2021 à 2024. C’est le cas en mars 2023, où un repas pour 170 convives comprenant « du foie gras maison » est plafonné à 3 000 euros.

Péché de gourmandise ? Pour l’association Anticor, ces faits, dont Myriam Mulot reste présumée innocente, pourraient s’apparenter à du détournement de fonds publics, ces repas étant « détachable[s] de ses fonctions de maire et de l’intérêt communal ».

« Les faveurs de Madame le maire »

Et les agents de la cuisine de la collectivité ne sont pas les seuls à avoir été mobilisés en dehors de leurs prérogatives municipales. Plusieurs témoignages concordants font état de « l’utilisation d’un officier de sécurité – chauffeur à des fins privées » ou « pour le compte de l’éducation nationale ». Un agent évoque pêle-mêle « des déplacements pour des surveillances de concours, ou des jurys de l’éducation nationale (…) à plusieurs reprises ».

Aperçue au conseil métropolitain en compagnie de son chauffeur, un élu s’interroge. « C’est surprenant pour la taille de la commune », ironise-t-ilAu sein des services municipaux, la pratique, qui pourrait s’apparenter à un abus de biens sociaux, fait grincer des dents. « En aucun cas, elle n’a le droit d’utiliser le chauffeur pour le compte de la métropole », gronde une ancienne agente.

Le mélange des genres ne s’arrête pas là. Moins d’un an après son élection, en novembre 2021, Myriam Mulot se rend à Paris pour assister au salon des maires. Selon nos informations, plusieurs personnes extérieures à la collectivité font partie du voyage. « Des amis d’élus, des femmes d’élus [sont] venus avec nous », témoigne l’une d’elles. Les frais d’hôtel, de restauration et de trajet sont imputés au budget municipal. Un employé se souvient d’un « bon montant (…) peut-être dispendieu[x] ».

L’invité de ce raout parisien, qui préfère garder l’anonymat, assure que l’événement n’avait d’autre but que d’« acheter les gens » et décrit un système clanique organisé au sein de la mairie, dans lequel les personnes exclues « des faveurs de madame le maire » sont « mis[es] au placard ».

Il a depuis déposé plainte pour harcèlement, rejoignant la liste des quatre autres membres de la mairie à avoir saisi la justice pour des faits similaires, comme l'avait raconté Le Poulpe en juillet. Versé au dossier, le témoignage d’un autre employé révèle l’attitude « négative » de la maire à l’encontre du plaignant, « visant à faire rire [les agents] de [sa] situation ».

« C’était magouilles et compagnie », vitupère de son côté un ancien employé de la comptabilité, soupçonnant plusieurs commandes illicites. À commencer par l’installation, en toute discrétion, d’un centre de surveillance urbaine (CSU) dans son bureau lors des travaux entrepris par la mairie en 2022. Coût de l’écran escamotable : plus de 8 000 euros.

« L’installation, c’est une chose, mais le visionnage, c’est strictement interdit », rapporte un agent, informé de la présence de personnes non habilitées à visionner les caméras municipales devant l’écran de la mairie. Le dispositif de vidéosurveillance sera finalement retiré et rapporté à la police municipale.

Entretemps, un deuxième outil de surveillance fait parler de lui : une caméra nomade a été installée près du domicile d’une élue de l’opposition, Virginie Bottais. À en croire Myriam Mulot, la demande émane directement de la préfecture, qui aurait sollicité « à plusieurs reprises » son installation.

Or, les services préfectoraux indiquent pour leur part qu’il « s'agit bien d'une demande de la commune » et que « le dossier de demande d'autorisation déposé par la ville ne faisait pas mention du caractère nomade de l'outil ». Avant de rappeler que « de manière générale [la préfecture] ne préconise jamais aux collectivités le type de matériel ou encore un lieu d'implantation, qui ne relèvent pas de son champ d'expertise ».

Autant d’affaires qui écornent l’image de l’édile et font prendre à la fin de son mandat des allures de débâcle.

 

 
 
 

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